Pierre Thiam : Le Chef qui Réinvente la Cuisine Ouest-Africaine
- Barou Koita
- 18 mai
- 2 min de lecture

Il a quitté Dakar avec une valise pleine de doutes, il y est revenu avec des idées pleines d’avenir. Pierre Thiam est plus qu’un chef : c’est un conteur, un passeur, un ambassadeur culturel. Dans son sillage, le fonio voyage de village en village, jusqu’aux rayons bio de Brooklyn. Ses plats ont l’accent du Sahel, la tenue du Grand Paris, et l’ambition d’un continent tout entier.
D’un détour universitaire à un destin culinaire
Né à Dakar dans les années 60, Pierre Thiam aurait pu devenir physicien. Inscrit à l’Université Cheikh Anta Diop, il est contraint de quitter le Sénégal à la suite de grèves. Il atterrit à New York au milieu des années 80, sans papiers, sans plan… mais avec une farouche envie de s’en sortir. Il devient serveur, plongeur, puis cuisinier dans des établissements afro-caribéens de Brooklyn. La cuisine devient alors bien plus qu’un métier : une manière de renouer avec ses racines.
Yolélé, Teranga, et l’idée d’une Afrique qui se mange
Pierre Thiam ouvre Yolélé puis Le Grand Dakar, deux restaurants qui proposent pour la première fois une cuisine ouest-africaine contemporaine à New York. Mais c’est avec Teranga – sa chaîne de restauration rapide haut de gamme – qu’il impose une vision forte : une cuisine africaine moderne, accessible, engagée.
À Teranga, on peut manger un thiéboudienne revisité avec du fonio, un mafé végétarien au beurre de cacahuète bio, ou un jus de bissap fermenté comme un kombucha. L’Afrique s’y conjugue au présent. Sans folklore. Sans caricature.
Le fonio comme manifeste
S’il fallait un symbole au combat culinaire de Pierre Thiam, ce serait le fonio. Une céréale ancienne, cultivée depuis des millénaires en Afrique de l’Ouest, sans irrigation, ni pesticide, ni transformation. Le fonio est à la fois humble et noble. Pierre Thiam en a fait une cause, une économie, une vision.
En 2017, il fonde Yolélé Foods, une entreprise qui exporte le fonio à travers le monde et soutient des centaines d’agriculteurs sahéliens. Il ne s’agit plus seulement de cuisiner, mais de redonner de la valeur à ce que le monde avait oublié : le génie agricole africain.
Le chef-écrivain
Trois livres de cuisine, traduits, primés, applaudis. Dans Senegal: From the Source to the Bowl, il offre un voyage sensoriel dans la cuisine sénégalaise contemporaine, illustré avec élégance. Dans The Fonio Cookbook, il défend le fonio comme une arme de souveraineté alimentaire. Et avec Simply West African, son dernier ouvrage, il traduit l’Afrique dans un langage que tout le monde peut cuisiner.
De Dakar à Lagos, de Paris à Harlem
Aujourd’hui, Pierre Thiam est chef exécutif au Pullman Hotel de Dakar, chef signature de Nok by Alara à Lagos, et consultant pour des maisons internationales. Il a cuisiné pour Emmanuel Macron, le roi du Maroc, Ban Ki Moon. Ses plats sont servis en Afrique, aux États-Unis, en Europe. Mais jamais ils ne perdent leur accent dakarois.

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